Le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale, plus communément appelé le BOSS, n’est pas un simple bulletin électronique rédigé par des juristes en costume-cravate dans une tour d’ivoire à l’abri des regards.

Non, c’est un texte officiel, mis en place depuis le 1er avril 2021 et régulièrement mis à jour, qui rassemble toutes les instructions et circulaires de la Sécurité sociale. Si, présenté de cette façon, ce texte est aussi sexy qu’une notice de montage de meuble suédois écrite en allemand, sous-estimer sa portée serait une erreur.

Le BOSS a toujours raison même quand il a tort

L’article L243-6-2 du code de la Sécurité sociale dispose que « lorsqu’un cotisant a appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales selon l’interprétation admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la Sécurité sociale […], les organismes ne peuvent demander à réaliser une rectification ou, lors d’un contrôle, procéder à aucun redressement de cotisations et contributions sociales, pour la période pendant laquelle le cotisant a appliqué l’interprétation alors en vigueur, en soutenant une interprétation différente de celle admise par l’administration ».

Cet article pose ainsi le principe de l’opposabilité du Boss.

Concrètement, cela signifie, qu’un cotisant, qui a suivi la législation sur les cotisations et contributions sociales selon l’interprétation fournie par une circulaire ou une instruction dûment publiée, est protégé contre tout redressement de la part de l’Urssaf qui tenterait de faire valoir une interprétation différente.

Cette règle est également valable en cas d’erreur d’interprétation : l’administration ne peut pas vous sanctionner si vous avez suivi une de ses instructions, même erronée, dès lors qu’elle a été publiée dans le Boss.

L’opposabilité : un bouclier juridique qui a ses limites

La Cour de cassation retient une interprétation restrictive de la notion d’opposabilité en limitant le droit du cotisant de se prévaloir des circulaires et instructions de Sécurité sociale (Cass. civ. 2, 16 mars 2023, n°21-19.066).

Dans l’affaire en question, l’employeur demandait à l’Urssaf un remboursement de diverses cotisations et contributions sociales en s’appuyant sur les instructions d’une circulaire.

Cette demande de remboursement a été accordée par le juge en première instance mais rejetée en appel au motif que  « cette circulaire, dépourvue de toute portée normative ne saurait étendre ou modifier le champ d’application des dispositions règlementaires par l’adjonction d’une méthode de calcul non prévue par l’article D.241-26 du Code de la sécurité sociale ».

En cassation, l’employeur se défend en soutenant que « toute personne peut se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, opérée par les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles pour son application à une situation qui n’affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée ».

Toutefois, la haute juridiction rejette la demande de remboursement.

Tout d’abord, elle rappelle que le juge tranche le litige au regard des seules règles de droit qui lui sont applicables ; et que les circulaires, puisqu’elles sont dépourvues de portée normative, en sont exclues.

Ensuite, elle déduit de l’article L.243-6-2 précité que « le redevable ne peut opposer à l’organisme de recouvrement l’interprétation de la législation […] que pour faire échec au redressement de ses cotisations et contributions par l’organisme fondé sur une interprétation différente ».

Avec cette solution, qui est constante, la Cour de cassation circonscrit l’opposabilité des circulaires et des instructions à la contestation d’un redressement en cas de contrôle.

Aussi, bien que le Boss offre une sécurité juridique incontestable au cotisant, en limitant son droit d’opposer à l’administration sa propre doctrine au cas du contrôle, cette sécurité juridique, encore imparfaite, est écornée.