Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2025 (PLFSS) envisage la suppression de l’exonération sociale dont bénéficient les Jeunes Entreprises innovantes (JEI) à compter du 1er janvier 2025.

L’annonce de la suppression de cette exonération ouvre un débat sur les conséquences de cette décision pour le tissu entrepreneurial français, notamment pour les jeunes entreprises technologiques et scientifiques qui bénéficient largement de cette mesure.

Qu’est-ce que l’exonération sociale JEI ?

C’est une exonération de cotisations patronales bénéficiant aux jeunes entreprises innovantes (JEI) entrée en vigueur le 1er janvier 2004.

Ce dispositif a pour objectif de soutenir l’effort de recherche et d’innovation des jeunes TPE/PME en France.

Le statut de de JEI est réservé aux entreprises :

– qui emploient moins de 250 personnes et qui réalisent un chiffre d’affaire inférieur à 50 millions € ou qui ont un bilan total inférieur à 43 millions € ;

– dont les dépenses de recherches & développement représentent au moins 15 % de leurs charges ;

– qui ont été créées depuis moins de 11 ans (création avant le 1er janvier 2023) ; ou depuis moins de 8 ans (création après le 1er janvier 2023) ;

– dont le capital est détenu à 50 % minimum par une personne physique ; une autre JEI elle-même détenue à 50 % par des personnes physiques ; une association ou fondation reconnue d’utilité publique à caractère scientifique ; un établissement public de recherche et d’enseignement ; ou une société d’investissement ;

– qui exercent une activité nouvelle : l’entreprise ne doit pas avoir été créée dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension d’activités déjà existantes.

L’exonération n’est applicable que sur la rémunération brute versée au personnel impliqué dans les activités de recherche et d’innovation (chercheurs, ingénieurs, techniciens qualifiés, etc.).

L’exonération est plafonnée à cinq fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) ; et ne peut s’appliquée au-delà de 4,5 Smic.

Le 1er juin 2024 ce régime social a été étendu à une nouvelle catégorie : les jeunes entreprises de croissances (JEC) pour encourager le développement de startup dont la caractéristique est une croissance rapide. 

Un soutien essentiel pour l’écosystème de l’innovation en France

Le statut JEI a contribué à faire de la France une terre d’innovation attirant les talents et renforçant la compétitivité de ses startups dans les secteurs des nouvelles technologies, de la biotechnologie et de l’intelligence artificielle.

Grâce à ce statut, de nombreuses entreprises ont pu se lancer dans des projets de recherche ambitieux qui auraient été financièrement inaccessibles sans cette exonération.

Pour de nombreuses jeunes entreprises, la suppression de cette aide va significativement réduire leur capacité à recruter des chercheurs qualifiés et à financer des programmes de R&D essentiels.

En effet, dans les premiers stades de leur développement, les startups investissent une part importante de leurs ressources dans l’innovation tout en ayant des revenus modestes ou encore insuffisants pour couvrir les charges sociales. L’exonération JEI permet de combler ce déséquilibre temporaire.

Un risque d’exode des talents et des innovations ?

Avec la suppression du statut JEI, la France risque de voir ses entreprises innovantes limiter leurs investissements en R&D ; ou chercher à s’implanter dans des pays offrant des mesures de soutien plus attrayantes.

L’exode des talents est également un risque pour l’écosystème français de l’innovation. En limitant leur capacité de financement, les startups risquent de réduire leurs embauches (voire de licencier) ; et de limiter leur attractivité pour les talents étrangers.

Les effets à long terme sur la compétitivité française

Le gouvernement justifie cette suppression par le coût des exonérations de cotisations sociales octroyées aux JEI qui a doublé entre 2014 et 2023 passant de 139 M€ à 270 M€. Une dynamique qui devrait se poursuivre pour atteindre 300 M€ en 2026 (y compris jeunes entreprises en croissance) en l’absence de réforme.

À long terme, bien qu’elle soit couteuse, la suppression de l’exonération JEI impactera la compétitivité de la France dans des secteurs stratégiques. En effet, les jeunes entreprises innovantes contribuent non seulement à la croissance économique en créant des emplois mais elles renforcent également la position de la France dans des domaines de pointe.

Une réduction de l’investissement en innovation va mécaniquement ralentir le rythme de développement technologique affectant ainsi la compétitivité des entreprises françaises sur le marché mondial.

Le risque est également que les grandes entreprises, qui dépendent souvent des technologies et des solutions développées par ces jeunes entreprises, se tournent vers d’autres marchés pour accéder à des technologies de pointe. Cela pourrait fragiliser les chaînes de valeur françaises et européennes dans des secteurs comme l’aéronautique, la défense ou les biotechnologies.

L’innovation française à la croisée des chemins

La suppression du statut JEI représente un tournant pour l’écosystème entrepreneurial français. Si elle permet de faire des économies pour l’État à court terme, à long terme, ses effets sur l’innovation, l’emploi et la compétitivité risquent de coûter bien plus cher.

Les jeunes entreprises jouent un rôle vital dans la dynamisation de l’économie et dans le positionnement stratégique de la France sur des marchés internationaux en pleine évolution.

Le défi pour le gouvernement sera donc de trouver des solutions compensatoires pour soutenir cet écosystème et éviter que la France ne perde son statut de pôle européen d’innovation.